Antisémitisme, islamophobie, attaques des églises … et réseaux sociaux. Que faire ?

Le 7 décembre 2019 a eu lieu la troisième Journée des Droits de l’homme, coordonnée par le Centre international pour la liberté religieuse et les relations publiques du Campus adventiste de Collonges, en collaboration avec le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme basé à Genève, Suisse. A cette occasion, j’ai eu le privilège de présenter la relation et comment réagir à partir du plan des réseaux sociaux et des attaques antireligieuses et des attitudes ou comportements antireligieux dans les médias sociaux. C’est ma présentation, et la vidéo de la journée (en français) peut être visionnée ici (ma présentation commence au minute 18) :

Vous pouvez télécharger la présentation sous format PDF depuis Academia.edu.

1. Liberté d’expression liée à la Liberté de conscience et liberté religieuse 

L’article 18 des Droits de l’homme garantit la Liberté de pensée, de conscience et de religion, de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion, ses convictions, sa foi, seule ou en commun, tant publiquement qu’en privée.

En tant que spécialiste en communications, l’article 19 des Droits de l’homme est déjà implicite dans l’article 18. Nous parlons de la Liberté d’opinion et d’expression.

Il est intrinsèquement nécessaire de partager la foi personnelle pour la maintenir vivante et obéir à la raison d’être d’une croyance dont le but est de proposer un monde meilleur en attendant la réalisation définitive du bonheur ou du salut promis.

L’expérience religieuse vécue personnellement en plénitude transcende non seulement un avenir, mais contribue aussi à l’édification et à l’amélioration d’un présent de coexistence, d’harmonie et de paix enrichissant une société plurielle qui apporte à chaque individu de nouveaux éléments pour sa croissance personnelle et collective.

Dans ce cadre de recherche et d’épanouissement personnel, nous devons inclure l’élément numérique dans tout débat. Le numérique est déjà une extension en plus de la réalité de l’existence humaine.

2. La révolution de printemps et les réseaux sociaux

Dans ce chapitre, la parution de la technologie rend nécessaire la régulation du monde virtuel, parallèle au monde physique. Notre identité personnelle a un reflet virtuel dans les administrations des pays, numériquement, de même qu’au niveau mondial, notamment sur les réseaux sociaux.

Les articles précédents suscitent l’article 20  qui dispose : « Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. »

Au mois d’Octobre 2019 4,48 milliards de personnes utilisent Internet dans le monde qui passent une moyenne de 6 heures 42’  en ligne par jour, dont 2 heures 22’ sont employés sur les réseaux sociaux [1]. Cela correspond à 58% de la population mondiale, selon Statista[2]

Le Printemps arabe nous donne un aperçu de la puissance des communications décentralisées, et le rôle majeur des réseaux sociaux dans ces événements.

Aujourd’hui, le lieu de rencontre public est essentiellement virtuel. Nous nous réunissons plus souvent, quotidiennement, avec des personnes proches sur « la place publique numérique » que lors de réunions hebdomadaires occasionnelles pour célébrer la foi ou les croyances en commun.

Il est très facile à défendre la laïcité et neutralité religieuse de n’importe quel état ou pays, mais si les manifestations publiques de la foi personnelle commencent à être restreintes ou menacées, en anéantissant les articles 19 et 20, l’article 18 commence à se fissurer. Et, cela peut arriver même dans les pays les plus avancés du monde, y compris le nôtre.

3. Le double fil des réseaux sociaux (exemple Égypte récemment tué).

Mais chaque droit et chaque liberté comporte une responsabilité. La perversion de toute fin religieuse entraîne une distorsion de l’objectif initial de tout principe de foi, à commencer par l’amour du prochain et le respect de nos semblables.

L’utilisation des nouvelles technologies comme partie intégrante de l’expérience religieuse est une valeur ajoutée à l’expérience de la foi. Mais tout comme l’intolérance peut s’installer dans la religiosité de certaines personnes, elle peut aussi entrer en jeu dans l’utilisation des réseaux sociaux.

Tout comme la Bible ou le Coran incitent à l’amour du prochain, la manipulation tendancieuse peut prétendre justifier des comportements que la divinité même qui se cache derrière les écrits sacrés condamne.

C’est également le cas avec les nouveaux outils que le monde numérique offre aujourd’hui, à l’exception du fait que dans la nouveauté, nous ne savons toujours pas comment répondre de manière appropriée à de tels abus.

Nous courons le risque de réagir plutôt que de réfléchir à cette nouvelle réalité et à ce monde de coexistence numérique.  Je crains, d’une part, que nous soyons témoins d’abus difficiles à identifier ou à corriger et, d’autre part, que par crainte, nous restreignions déjà la liberté d’expression dans le monde numérique, y compris la « liberté de manifester, en public et en privé » notre propre foi ou croyance.

4. Harcèlement religieux sur les réseaux sociaux (quoi faire)

1. Le témoignage et le martyre

Récemment « Portes ouvertes » a dénoncé une stratégie[3]. Des hackers sont en train de pirater des comptes sur les réseaux sociaux, appartenant à des Chrétiens, principalement Facebook, pour publier des contenus « blasphématoires » contre l’Islam pour, ensuite, dénoncer les victimes de piratages et nuire à la réputation des chrétiens, et contrecarrer les efforts de convivialité et de tolérance.

Citons l’autre cas du 6 octobre 2019 en Egypte quand Hussein Mohammed a été assassiné par sa famille après avoir affiché sa foi copte chrétienne sur Facebook.[4]

2. Sécuriser les réseaux sociaux personnelles et institutionnelles

De moins en moins sont les groupes haineux qui se montrent en publique sur la toile.  Auparavant les régulations sur le numérique étaient quasi-inexistante, mais aujourd’hui plusieurs pays ont créé des brigades de police contre la cybercriminalité.

Malgré cela, une grande partie de la responsabilité de la réglementation et du contrôle du contenu sur les réseaux sociaux incombe toujours aux gestionnaires de plateformes eux-mêmes. En l’absence de menaces réelles ou crédibles de mort ou d’agression, les unités de police chargées de la cybercriminalité n’agiront guère.

Les outils de dénonciation et de protection, de nos jours, restent entre les mains des utilisateurs eux-mêmes.

1) La première étape consiste à éviter tout risque de piratage de nos comptes. Pour les comptes personnels et institutionnels, il est impératif d’avoir un double facteur de contrôle d’accès. En plus de l’utilisateur et du mot de passe à modifier régulièrement avec des symboles spéciaux, il est essentiel d’ajouter une deuxième étape d’authentification, soit par SMS ou par appel ou par e-mail secondaire.

Il est important d’éviter le blocage des canaux de diffusion, car ceux-ci nous assurent de pouvoir communiquer un discours contraire à celui de la haine. Nous devons également nous assurer que d’autres ne publient des contenus indésirables sur nos comptes, et éviter ainsi d’éventuelles dénonciations, comme dans le cas précédent de l’Égypte.

2) La seconde étape étant de diversifier les canaux de communication et éviter l’automatisation entre les différents réseaux sociaux. Une pratique courante consiste à connecter un compte Twitter à un compte Facebook, ou l’inverse. Si le compte principal est piraté, l’attaque du pirate est multipliée grâce à des mécanismes d’automatisation.

En cas de cyber-attaque à des fins haineuses, les dégâts seront moins importants et plus faciles à contrôler.

3) Troisième étape, c’est dans le cas d’identification d’un discours ou d’une publication à caractère haineux, tout un processus doit être mis en œuvre pour cela.

3.1 Faites une capture d’écran ou imprimer en document PDF sur laquelle apparaît l’heure et la date, ainsi que l’utilisateur ou le groupe qui l’a publié et l’URL. Ils affichent souvent des messages qui, une fois lus, sont supprimés pour éviter toute trace de leur activité haineuse.

3.2 Une fois la capture d’écran ou l’impression PDF effectuée, elle doit être signalée aux autorités compétentes. Un dépôt de plainte peut être nécessaire.

3.3 Immédiatement après, dénoncer ou signaler la publication ou le compte à la plate-forme. C’est aujourd’hui un outil déjà intégré dans la plupart des réseaux sociaux. Si le cas est réel et sérieux, le compte et son contenu seront supprimés dans les heures suivantes.

L’inconvénient est que l’utilisateur pourra ouvrir un nouveau compte avec un pseudonyme. Il est donc important de faire des captures d’écran et d’informer les autorités pour agir contre la personne physique.

3.4 La dernière étape consiste à bloquer l’autre utilisateur nuisible. Les réseaux sociaux pénalisent les comptes qui sont bloqués par d’autres utilisateurs les rendant moins visibles.

5. Promotion des messages positifs (création de contenus et mise à disposition)

En dernier lieu, je voudrais souligner une fois de plus l’importance de la communication en tant qu’instrument d’éducation et de promotion de la coexistence et des libertés, y compris la liberté religieuse. Un téléphone portable entre les mains d’un jeune homme, multiplié par des milliers de jeunes, a réussi à renverser des gouvernements.

Les réseaux sociaux sont considérés comme la petite sœur des communications. Cependant, ils ont démontré leur capacité, non seulement dans le monde mercantile, mais aussi dans la transmission et la promotion des valeurs et des principes. Dans les hautes sphères du monde, nous sommes habitués à parler en langage technique, nécessaire pour préciser le sens de chaque mot et pour ajuster le droit à la réalité et vice-versa.

Mais nous devons aussi être conscients que les libertés que nous défendons depuis nos bureaux ne doivent pas seulement être légalement accessibles à la population, elles doivent aussi être démocratisées afin que l’individu puisse assimiler sa réalité et la revendiquer partout où il se trouve. Avec la connaissance accessible, les droits seront revendiqués. Ce processus commence par la traduction du langage technique dans une langue vernaculaire accessible au grand public.

Il est vrai qu’il ne sera jamais possible de museler tous les discours de haine, à un degré plus ou moins grand. Mais il est vrai que les mouvements sociaux ont permis de grands changements dans l’histoire. Aujourd’hui, ces mouvements sociaux ont leur contrepartie numérique.

Ce n’est qu’en créant des contenus positifs et éducatifs, capables de rendre compréhensible le langage des institutions et des lois, qu’il sera possible de créer des courants transformateurs dans la société.

Nous avons une grande dette envers ceux qui souffrent du harcèlement et de l’absence de liberté religieuse. Nous ne pouvons continuer à ignorer les possibilités que certains utilisent négativement et que, par passivité, nous sous-estimons et sous-utilisons.

Ce n’est qu’avec une grande marée de contenus positifs qu’il sera possible de réduire au silence ou à la marginalité les voix intolérantes, soit par le contraste du discours, soit par la supériorité présentielle dans les réseaux.

Qui sait, si la pédagogie, fruit de la publication de nos contenus, ne pourrait convaincre ceux qui promeuvent le contraire, en empruntant la pensée paulinienne quand il conseille sagement : « Ne te laisse pas vaincre par le mal. Au contraire, sois vainqueur du mal par le bien » (Rom. 12.21 BDS).

Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs, de votre aimable attention.


[1] Consulté le 5 décembre 2019 https://www.clickz.com/internet-growth-usage-stats-2019-time-online-devices-users/235102/

[2] Consulté le 5 décembre 2019 https://www.statista.com/statistics/617136/digital-population-worldwide/

[3] Consulté le 5 décembre 2019 https://www.portesouvertes.fr/informer/actualite/egypte-en-prison-a-cause-d-un-post-sur-facebook

[4] Consulté le 5 décembre 2019 http://www.evangeliques.info/articles/2019/10/16/egypte-assassine-par-sa-famille-apres-avoir-affiche-sa-foi-sur-facebook-20434.html